Le judo aura été pour Yves Klein bien plus qu'une simple parenthèse dans son existence, puisque entre 1952 et 1954, il s'est rendu à Tokyo pour recevoir l'entraînement du Kodokan et obtenir son 4e dan avant de rentrer en France où il espérait pouvoir enseigner.
De Nice au Japon
C'est à Nice qu'il découvre le judo, par le biais de l'école de police qui, faute de recrue, ouvre ses cours aux civils. Il y fera, en 1947, la connaissance de Claude Pascal (le musicien) et d'Armand Fernandez (le futur Arman).
L'école de judo de Nice en 1948, Yves Klein est le 4e en partant de la droite (dernier rang). Photo du site des "archives Yves Klein". |
Très vite, le judo devient plus qu'une simple activité physique, Les "Archives Yves Klein" (site dont l'adresse est mentionnée ci dessous) signalent que le "judo fut pour l'artiste sa première expérience de l'espace spirituel."
En 1952, Yves Klein choisit de s'envoler pour le Japon. Il parvient à reconquérir son premier dan en juillet 1953. Les Japonais n'accordaient alors aucune valeur aux titres décernés à l'étranger. Il obtiendra son 4e dan en décembre 1953. Il a reçu en novembre de la même année l'assurance que la fédération espagnole de judo le prendrait comme directeur technique à son retour, s'il obtenait le grade de 4e dan.
Retour à Paris
Yves Klein rentre à Paris en février 1954, la nouvelle fédération française hésite à reconnaître ses compétences, il part pour l'Espagne. Il a vingt-six ans, une surabondance de vie et, non content d'enseigner le judo en Espagne, il publie ses premiers monochromes qu'accompagnent ses premières réflexions (Yves Peintures & Haguenault Peintures) qui posent la question de l'illusion en art.
Première édition de l'ouvrage chez Grasset |
Les Fondements du judo verront le jour en 1955, le manuscrit est déposé chez Grasset en décembre 1954. "En arrivant au Japon, écrit-il, dans la préface, je me moquais des katas et de tous les secrets qui étaient censés s'y trouver." Les deux premiers katas, qu'il avait étudiés en Europe, confie-t-il encore, ne lui avait rien apporté. Après "six mois de bagarres sensationnelles et déchaînés", il se saisit enfin de la "clé que lui tendait depuis longtemps déjà, en souriant doucement, un de ces vieux maîtres du Kodokan." Les katas sont bien ce "trousseau de clés du judo" qu'il refusait de voir.
Les Fondements du Judo
Les Fondements du Judo sont donc un livre consacré aux katas.La première partie décrit le waza (l'ensemble des techniques) : le Nage- no-Kata et le Katame-no-kata sont présentés comme des formes applicables en randori; le Kime-no-Kata comme une forme de défense contre les atemis (coups).
La deuxième partie présente les "katas supérieurs" : Ju-no-Kata (kata de la souplesse), Koshiki-no-Kata (kata des formes antiques) et l'Itsutsu-no-Kata (kata des "cinq principes").
Les katas sont sobrement expliqués et illustrés de photographies : on notera que c'est Igor Correa qui joue le rôle d'uke dans la réalisation du Ju-no-Kata. Il est, au moment de la parution du livre, 2e dan.
La réédition en 2006, chez Dilecta, permet de découvrir ou redécouvrir l'ouvrage devenu introuvable. Les propos d'Yves Klein en ouverture de ses explications relatives au Nage-no-Kata montrent qu'il avait acquis une réelle connaissance du judo :
Yves Klein et Igor Correa exécutant le Ju-no-Kata |
"Pour le nage no kata tout spécialement mais aussi pour tous les autres katas ensuite, il est nécessaire de dire un mot sur le Kuzushi, le Tsukuri et le Kake.
Il est impossible, avec n'importe quel mouvement de judo de lancer un homme expérimenté qui se tient debout et résiste correctement. Aussi, il faut employer le Kuzushi, c'est à dire la recherche du déséquilibre et des point faibles par le déplacement, en somme les tâtonnements pour trouver le "moment exact", les circonstances favorables.
Une fois ce "moment exact" trouvé, il faut appliquer rapidement le "tsukuri" et le "kake"; c'est à dire placer le mouvement et lancer.
Cependant, ne pas oublier que tout au long de l'action Tsukuri-Kake continue l'action Kuzushi."
Il me semble entendre, formulés-là autrement, certains principes du Junomichi : nécessité du mouvement, prolongement de l'action...
La réédition de 2006
La réédition de 2006 comporte un préface de J.L. Rougé, , une introduction sous forme de dialogue
La réédition de 2006. |
entre Daniel Moquay et Pierre Cornette de Saint-Cyr (promoteur de l'art contemporain), un témoignage de Jean Vareilles, judoka et ami d'Yves Klein qui l'a aidé à ouvrir son club, Boulevard de Clichy, et une reprise de la préface d'Ichiro Abe, qui, déjà en 1956, pointait les insuffisances du judo français en matière de kata. Il reprend la métaphore des katas "grammaire", et du randori, expression libre.
"Le point faible du judo européen, écrit-il, ce sont les Katas ou les fondements. Leur esprit et leur exécution ont été mal compris et ont été altérés. Pour illustrer ma pensée, prenons l'exemple du kata le plus connu, le Nage-no-Kata : on n'en travaille que la forme, mais l'étude du déséquilibre, de l'attitude, des déplacements, tout cela est perdu de vue. Et même , au moment de projeter, Tori (celui qui exécute) reste passif tandis qu'Uke (celui qui subit) est obligé de se lancer. Exécuté à l'européenne, le kata perd son importante signification de grammaire."
Le travail de M. Correa a, semble-t-il, en partie consisté à conserver et cultiver cette valeur accordée aux katas.
Bibliographie
Yves Klein, Les Fondements du Judo, Dilecta, 2006.
André Bonet, Yves Klein, Le peintre de l'infini, Editions du Rocher, 2006.
Archives Yves Klein, http://www.yveskleinarchives.org/documents/bio_fr.html
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